La Commanderie des Croyants est un concept qui signifie que le Chef de l’Etat gère les affaires de la religion et les affaires du monde séculier. Cette manière de gestion est le système originel en Islam en suivant la ligne de conduite du Prophète. Le premier à porter ce nom de Commandeur des Croyants est le deuxième successeur du Prophète, le Calif Omar Ibn al-Khattab. La première allégeance, c’est-à-dire le premier contrat qui prescrivait les devoirs du Commandeur et les obligations de la nation, fut l’acte d’allégeance donné par les premiers musulmans au Prophète. Au Maroc, depuis le début du neuvième siècle après J.C., qui a coïncidé avec l’avènement de la première famille royale de l’ère islamique dans ce pays, le roi ou le sultan gouverne en tant que Commandeur des Croyants sur la base d’un acte d’allégeance. Le document d’allégeance est écrit par les ouléma et signé par les personnalités éminentes des différents groupes de la nation et de la société, à savoir les descendants du Prophète, les Ouléma, les chefs des Zaouïas soufies, les chefs de l’armée, les notables parmi les marchands et les responsables des conseils de gestion des métiers.
Avec cet acte d’allégeance, les signataires donnent la légitimité au nouveau Souverain en tant que « Commandeur des Croyants » et lui jurent loyauté dans l’agrément et le désagrément. Le Commandeur des Croyants s’engage envers la nation à protéger ce que les érudits de la Chari’a nomment les finalités de la Chari’a, à savoir : 1) la religion, 2) la préservation de la vie, 3) l’ordre public sur la base de règles rationnelles, 4) la justice, particulièrement dans les transactions financières, 5) l’honneur, c’est-à-dire de vivre dans la dignité, conformément à l’éthique de la religion. Ces obligations incluent les mêmes grandes règles garanties par la Constitution à l’ère moderne. Le Maroc n’a donc pas trouvé de contradiction entre sa vie politique conformément à l’acte d’allégeance ou conformément à la Constitution. Tout au long de l’histoire du Maroc et encore de nos jours, l’allégeance au Commandeur des Croyants est renouvelée chaque semaine lors des prières élevées en sa faveur par les prédicateurs, dans les mosquées, le vendredi. Un certain nombre d’actes d’allégeance ont été conservés aux Archives Royales, dont une partie a été publiée récemment. Certains de ces documents datent de dynasties antérieures à la Dynastie Alaouite, dont l’avènement a eu lieu en 1668. Chaque année, le deuxième jour de la fête du Trône, le 31 juillet, les élus viennent de toutes les régions du Royaume pour renouveler leur allégeance à l’instar de leurs ancêtres, notables de la société.
La gestion du champ religieux dans le Royaume
La gestion du champ religieux au Royaume du Maroc s’effectue conformément à l’acte d’allégeance qui stipule que le Commandeur des Croyants protège la religion. Cette protection a concerné, au cours de l’histoire, plusieurs domaines, dont les quatre suivants :
- La protection des fondamentaux de la nation relatifs à la doctrine, au rite et à l’éducation spirituelle ;
- La conduite de la vie publique sur la base du respect des dispositions claires et nettes contenues dans les textes authentiques de l’Islam ;
- L’affectation des Ouléma à l’enseignement de la religion à différents niveaux ;
- La facilitation de la vie religieuse des gens par la construction des mosquées, le mandatement des imams, l’encadrement de l’accomplissement du rite du Hajj, la mise à disposition des horaires des différentes prières, l’organisation des événements religieux, etc.
Sur la base de cette première exigence, la gestion du champ religieux est du domaine réservé du Commandeur des Croyants du fait que ce champ concerne la nation tout entière et non un courant social ou politique plutôt qu’un autre. Les hautes instructions du Commandeur des Croyants relatives au champ religieux sont exécutées par le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques. Le Commandeur des Croyants désigne le Ministre des Habous et des Affaires islamiques parmi des personnalités qui n’ont pas d’appartenance politique.
Il est certes membre du gouvernement, mais les textes juridiques fondamentaux régissant le fonctionnement de ce Ministère sont des Dahirs chérifiens, c’est-à-dire des textes promulgués par le Commandeur des Croyants. La logique de cette spécificité marocaine est que le champ religieux est un élément permanent qui rassemble la nation et n’est pas sujet, par voie de conséquence, aux changements en fonction des programmes partisans de la classe politique.
Du reste, les acteurs politiques sont de plus en plus conscients que la compétition concernant leurs programmes ne doit pas inclure la vie religieuse et que l’intérêt public, y compris l’intérêt du développement démocratique, correspond à cette spécificité. Répondant à des demandes sociales pressantes, les neuf-dixièmes des crédits alloués au Ministère des Habous et des Affaires Islamiques proviennent du Budget Général de l’Etat, tandis qu’un dixième seulement provient des recettes du patrimoine Waqf (Habous).
Le siège du Ministère des Habous et des Affaires Islamiques, qui gère le champ religieux, se trouve dans l’enceinte du Méchouar du Palais Royal. Le Ministère est représenté dans les régions et les provinces du Royaume par 82 Délégations.
Au cours des trois dernières décennies, un certain nombre de traditions relatives à la gestion du champ religieux ont connu une transformation de leurs formes orales coutumières en des formes juridiques et réglementaires, ce qui a facilité davantage le maintien des constantes du pays et la gestion de ses services religieux.